Après presque trente années de débats scientifiques et réglementaires, la certitude affichée concernant les effets délétères des perturbateurs endocriniens contraste avec la prudence des données de la science. Qu’en est il réellement de ce risque souvent mal connu et objet de bien des fantasmes?

Mais avant de définir ce que sont les perturbateurs endocriniens et expliquer comment ceux ci sont évalués, il me semble nécessaire de rappeler quelques éléments méthodologiques.

 

Rappel méthodologique du « weight of evidence » 

La méthodologie utilisée par la toxicologie est née à la même époque que celle où s’est mise en place l’Evidence-Based Medicine (EBM) dont elle partage les mêmes caractéristiques.

L’intérêt grandissant pour le débat scientifique autour du risque liés à l’exposition aux perturbateurs endocriniens a conduit de nombreux scientifiques, attirés par le sujet et les opportunités de recherches, à s’engouffrer dans ce sujet sans en avoir digérer préalablement les bases fondamentales et méthodologiques et les exigences de la science réglementaire sur laquelle se fonde la sécurité es consommateurs et des travailleurs.

Ceci a conduit nombre de biologistes à tenir un discours confus voire catastrophiste sur la base de simples spéculations. Repris dans les medias, cela a fini par créer une sorte de mythe : le perturbateur endocrinien est un toxique dangereux présent partout et il est responsable des pathologies de la reproduction, du métabolisme, des atteintes neuro dégénératives, digestives et de cancers.

C’est très dommageable car si ces biologistes ont contribué à une meilleure connaissance des mécanismes fondamentaux, ils sont sortis de leurs domaine d’expertise en affirmant de manière trop hardie que leurs résultats, pourtant controversés par la communauté scientifique et difficiles à reproduire, suffisaient pour être extrapolés à l’évaluation de risque pour les populations.

Nous vivons d’ailleurs peu ou prou la même confusion avec la crise sanitaire actuelle qui a vu fleurir des biologistes de laboratoire, des physiciens, des ingénieurs et mêmes des médecins s’improviser épidémiologistes en quelques jours, ce qui a semé une confusion terrible même dans les meilleurs esprits.

            Comment travaille le toxicologue ?

Le toxicologue utilise une procédure d’assemblage de preuves en fonction de la qualité de l’information : robustesse, pertinence et fiabilité. Le maître mot qui relie tous ces critères pourrait être prudence et transparence. Le poids de la preuve doit permettre de ne pas s’aveugler en confondant causalité et corrélation et d’appréhender la relation dose-effet, la complexité des voies de transfert et celle des milieux biologiques.

Il y a de nombreux modèles d’études, présentés ici par ordre croissant de niveau de preuve

– modèles mathématiques

– modèles in vitro (cultures cellulaires)

in vivo (rat, souris, algues, daphnies, crustacés, poissons..)

– étude de cas chez l’homme, étude de cohorte

– étude in situ, mésocosme, étude plein champs…

– idées opinions et éditoriaux parus dans des revues scientifiques

 

Le scientifique étudie le danger intrinsèque de la substance chimique (effet, mode d’action) au travers des divers modèles puis il vérifie :

– la pertinence du critère d’évaluation le plus probant (comme une perte de poids, le nombre de portées, d’avortement spontanés ou des critères histologiques)

– les doses utilisées

– la puissance statistique

– la voie d’exposition (orale, inhalation, cutanée)

– le respect des bonne pratiques de laboratoire, gage de comparabilité et de reproductibilité des études similaires

– la qualité des analyses en chimie analytique

– et enfin la transparence de l’étude (déclaration de conflit d’intérêt)

 

Il reste toujours prudent sur le fait que les études portant sur des lignées animales de laboratoire ne reflètent pas forcément ce qui se passe chez l’Homme. Il attache donc une plus grande importance aux preuves chez l’Homme, plus encore que chez l’animal mammifère et ne se sert qu’avec prudence de modèles in vitro et de modélisation.

Il s’intéresse également au « terrain » (environnement naturel, physiologie des organismes, dynamique des populations…). Le toxicologue devient alors évaluateur de risque ce qui est une spécialité : il prend en compte le devenir environnemental de la substance dans la matrice (air, eau, sol), ses possibles voies de dégradation chimique et biologique (photooxydation, etc.), les conditions de pH, de température, ses affinités pour le milieu aqueux ou hydrophobe, ses voies de transfert et de transports dans les matrices, les processus d’adsorption, métabolisme, distribution et excrétion des substances (toxicocinétique et toxicodynamie) déterminant in fine le potentiel toxique.

Ensuite l’évaluateur de risque étudie l’exposition, composante essentielle de l’étude du risque : dose, durée d’exposition, fréquence, voie de pénétration, etc.

Enfin, le poids de la conclusion du toxicologue ayant potentiellement un impact économique, lorsqu’il propose une mesure de gestion du risque, cette dernière doit être proportionnée au risque calculé et, si le principe de précaution doit s’appliquer, la balance bénéfice risque doit être discutée et des solutions alternatives proposées (sol pollué, interdiction d’une substance, adaptation d’un poste de travail,…)

 

Qu’est ce qu’un perturbateur endocrinien (PE) ?

 

Il faut rappeler que le PE n’est pas un toxique en soit. Il se définit plus par son mécanisme d’action physiologique. L’hypothèse d’une action délétère sur des systèmes endocriniens repose sur un faisceau d’indices :

1/ Observations environnementales anciennes mais réelles démontrant l’impact populationnel sur la faune sauvage, principalement aquatique de molécules interférant avec la reproduction.

2/ Des effet in vitro observés en laboratoire et qui ont permis surtout de comprendre que certaines molécules (médicaments, polluants organiques, substances naturellement présents dans l’alimentation) interfèrent sur le transport, la dégradation ou la réponse aux hormones via leurs récepteurs.

3/ Des données solidement établies sur les dégâts du diethylstilbestrol (DES), médicament agissant sur les récepteurs aux estrogènes, largement donné aux femmes dans les années 1940-1970 pour lutter contre les fausses couches, les effets de la ménopause, le cancer de la prostate et du sein.

4/ Des études épidémiologiques tentant d’établir un lien de causalité entrer une ou des substances chimiques et des troubles hormonodépendants.

En 2018, la définition est entrée dans le règlement concernant les produits phytopharmaceutiques et les biocides*.

Un perturbateur endocrinien doit remplir les trois critères suivants :

1/ la substance doit présenter un effet indésirable chez un organisme intact ou ses descendants, à savoir un changement dans la morphologie, la physiologie, la croissance, le développement, la reproduction ou la durée de vie d’un organisme, d’un système ou d’une (sous) population qui se traduit par l’altération d’une capacité fonctionnelle ou d’une capacité à compenser un stress supplémentaire ou par l’augmentation de la sensibilité à d’autres influences;

2) elle a un mode d’action endocrinien, c’est-à-dire qu’elle altère la ou les fonctions du système endocrinien;

3) l’effet indésirable est une conséquence du mode d’action endocrinien.

En science réglementaire, les perturbateurs endocriniens sont éligibles, sous le règlement REACh, à la liste de substances SVHC (Substances of Very High Concern) et bénéficient d’une attention aussi importante que les substances CMR (Cancerogènes, Mutagènes et Reprotoxiques) ou les substances PBT (Persistantes, Bioaccumulables et Toxiques).

En risque chimique, il n’y a pas de classe de danger « perturbateur endocrinien » et c’est bien souvent de reprotoxicité dont il s’agit. Mais si un perturbateur endocrinien peut être un reprotoxique, un reprotoxique n’est pas forcément un perturbateur endocrinien (malformation congénitale du à une mutation par exemple). Ou bien il peut s’agir de toxicité systémique.

L’EFSA ayant introduit de nouveaux critères d’évaluation de la perturbation endocrinienne pour les règlements pesticides et biocides, il va être de plus en plus drastique de constituer de nouveaux dossiers de mise sur le marché, que les molécules soient naturelles ou synthétiques.

*https://efsa.onlinelibrary.wiley.com/doi/10.2903/j.efsa.2018.531

Critères d’identification des perturbateurs endocriniens dans les pesticides et les biocides

https://www.red-on-line.fr/hse/blog/2018/10/04/criteres-didentification-des-perturbateurs-endocriniens-dans-les-pesticides-et-les-biocides-006598

 

La définition de l’EPA( Environmental Protection Agency) aux USA insiste sur la fonctionnalité mécanistique de la molécule: agent exogène qui interfère avec la production, la libération, le transport, le métabolisme, la liaison, l’action ou l’élimination des ligands naturels responsables du maintien de l’homéostasie et de la régulation du développement de l’organisme. Cependant cette définition ne dit rien du degré de dangerosité de l’interférence.

Pour la science, un système endocrinien est un réseau complexe de glandes endocrines, d’hormones circulantes (via le sang ou les neurones) et de récepteurs. Il relie le système nerveux et les fonctions telles que la reproduction, l’immunité, le métabolisme et le comportement.

La production des hormones et sa circulation sont réglées par un processus de rétroaction négative, dont le but est de maintenir l’homéostasie qui est la capacité de maintenir l’équilibre du milieu intérieur quelque soit les contraintes extérieures (température, volume sanguin, rythme cardiaque, cycle ovarien, cycle du sommeil…). Aussi la frontière entre un effet biologique et un effet délétère est floue, allant du simple déséquilibre passager à un débordement d’une régulation ou d’un état homéostasique.

On évoque généralement les molécules issus de l’industrie (phtalates, bisphénol A, perchlorates…), mais on oublie un peu facilement d’autres perturbateurs endocriniens tout aussi (voir plus) problématiques :

– Ainsi si le stress aigu a un rôle adaptatif à court terme, le stress chronique est un bon exemple de perturbateur endocrinien de l’axe corticotrope (hypothalamus hypophyse- surrénales) entraînant une désadaptation de l’organisme (hypertension, stérilité, immunodépression dépression, suicide…). Pourtant le stress n’est pas une molécule.

– La pilule contraceptive répond aussi parfaitement à cette définition puisque son rôle est de perturber l’axe gonadotrope (hypothalamus– hypophyse- gonade) afin d’empêcher la reproduction. Or la pilule est un médicament donné à des femmes jeunes, en bonne santé et en capacité de concevoir.

– Enfin, il existe de nombreux perturbateurs endocriniens naturels dans notre alimentation quotidienne (flavonoides, isoflavonoides, lignanes, coumestanes..).

 

Que savons nous exactement?

Les observations diffèrent selon que le niveau d’observation est le gène, le protéome, la cellule, le tissu, l’organe, l’âge et l’environnement (alimentation, métabolisme, vascularisation, rôle interférent du stress, des radiations ionisantes, des médicaments, des produits chimiques non PE mais agissant par d’autres voie de transformation (comme par exemple les voies de métabolisation des hormones dans le foie).

Beaucoup de données n’ont été obtenues que sur des lignées de cellules animales clonées sélectionnées pour leur sensibilité. Les résultats de ces tests en aigu (très courts dans le temps) sont assez souvent de faible portée car ils ne représentent pas l’extrême diversité génétique, l’extrême complexité d’une cellule, d’un tissu, d’un organe ou d’un organisme ni l’extrême complexité de la capacité d’adaptation dans le temps d’un axe endocrine . Ces modèles ne prennent pas en compte le taux d’hormones circulantes, les mécanismes de rétroaction négative, les mécanisme régulateurs, l’interférence avec d’autres systèmes endocriniens, etc.

De plus, nombre d’hypothèses mécanistiques au niveau de l’organisme sont souvent spéculatives et ce sont sur la base de ces spéculations que de nombreuses études épidémiologiques voient le jour.

Les courbes en U non monotones, vulgarisées sous l’appelation d ‘« effet à faibles doses », sont rarement complètes pour les substances suspectées et souvent ces courbes présentées sont théoriques et difficilement interprétables pour le profane. Ainsi le point 0 n’est jamais connu expérimentalement mais extrapolé (point de bascule entre un effet bénéfique et un effet délétère). Il peut représenter soit un effet de rétroaction négatif classique, soit un phénomène adaptatif de saturation des récepteurs sans forcément de lien avec un effet potentiellement nocif.

Généralement les études in vivo présentent de nombreuses faiblesses : elles n’ont pas été reproduites par d’autres équipes, les souches animales sensibles ne sont pas les mêmes, les études ne respectent pas les Bonnes Pratiques de Laboratoire et les normes OCDE.

 On sait qu’il existe naturellement – sans intervention de substance exogène – dans une espèce animale donnée, une variabilité interindividuelle génétique et épigénétique, liée au développement de l’embryon ou du fœtus, se traduisant par une variabilité du taux d’hormones systémiques au sein d’une même portée. Cela interroge sur la norme et la variation autour de la norme, donc sur la dose néfaste. Ces variations font que nous naissons avec un patrimoine endocrinien pouvant expliquer au moins partiellement certains de nos comportements (bien évidemment nous seront soumis à l’épreuve de l’adaptation en fonction de notre environnement et de notre histoire) et nous subirons des variations hormonales tout au long de notre vie.

Les concentrations des hormones naturelles sont extrêmement faibles et très efficaces et elles connaissent des variations cycliques naturelles (cf cycle journalier, menstruel..). Au niveau de l’organisme entier, les substances exogènes agissent généralement à des doses de l’ordre du microgr au milligr/kg de poids corporel/jour, alors que les hormones naturelles agissent à des doses extrêmement basses (nanogr ou picogr/L de sang pour les hormones sexuelles, l’homme possédant 4.5 à 5L de sang).

On sait que l’influence de ces molécules est surtout observable dans des fenêtres d’exposition pré ou périnatale, mais qu’elles n’ont plus d’effet observable à l’âge adulte.

C’est donc surtout l’enfant à naître qui doit être protégé au maximum des effets reprotoxiques et perturbateurs endocriniens (substances chimiques, alcool, tabac…).

Les PE étant rarement toxiques au point de provoquer des morts in utero (contrairement aux reprotoxiques) ou des effets délétères chez l’adulte. Compte tenu des grandes variabilités interindividuelles évoquées plus haut, il est difficile de s’accorder sur un effet néfaste et une dose sans effet PE chez l’Homme adulte.

Pour le calcul de la relations dose-effet, on sélectionne par principe de précaution le plut petit effet observé, obtenu sur les études animales (par exemple ce peut être un faible poids de naissance à la plus faible dose dans une étude sur 2 générations, de plus fortes doses pouvant conduire à effets plus graves tels que des avortements spontanés).

Les sources d’une même molécule suspectée peuvent être très diverses. Ainsi, les Agences sanitaires n’ont pas attendu l’alerte des ONG pour s’emparer depuis 2011 du perchlorate qui interfère avec l’absorption de l’iode au niveau de la thyroïde. Il a été retrouvé comme polluant industriel, impureté dans la désinfection de l’eau potable, de manière naturelle dans l’alimentation et dans les sols et dans certains diagnostics médicaux. La diversité des sources complique la détermination d’une Valeur Toxicologique de Référence puis d’une Dose Journalière Tolérable (DJA) pour le consommateur, d’autant que le perchlorate présente surtout un risque pour le fœtus et le nourrisson. Les discussions entre experts portent souvent sur le facteur d’incertitude, élément clé de la protection accordée aux populations. L’EFSA a arrêté une DJT de 0.2 microgr/kg de poids corporel/jour. La France a fixé le seuil pour l’eau potable à 4 microgr/L et restreint la consommation pour les biberons et les femmes enceintes à la valeur guide de 15 micror/L. Une campagne sur l’eau potable a démontré qu’une seule région française avait été impactée par une pollution de nappe phréatique, région où des études épidémiologiques sont toujours en cours.

On voit donc que l’évaluation du risque perturbateur endocrinien est un exercice extrêmement délicat car nous baignons dans une soupe chimique et les interférences sont nombreuses (pollution industrielle, alimentation, médicaments, compléments alimentaires à base de plantes, dispositifs médicaux…) que ce soit sur l’axe gonadotrope ou thyreotrope :

– notre comportement psychologique interfère (le stress chronique peut conduire à l’infertilité, l’anorexie stoppe les cycles menstruels…),

– notre alimentation nous apporte des perturbateurs endocriniens naturels comme les perchlorates ou les isothiocyanates (brocolis, choux..) qui peuvent interférer avec la fonction thyroïdienne, la zearalénone – mycotoxine présente dans le maïs – qui peut interférer avec la production de testostétone (donc in utero et chez les nourrissons et enfants), la genistéine du soja, etc.

-La prise de médicaments au long court est une source potentielle de perturbation endocriniennes (corticoïdes, contraceptifs, hormonothérapie, médicaments contre les troubles de la thyroïde, etc.).

 

CONCLUSION 

Il existe beaucoup de substances candidates perturbateur endocrinien sur la base de modèles in vitro, mais vraisembablement peu d’entre elles répondront à l’ensemble des critères dont le plus important est l’effet délétère sur l’Homme.

Si une attention particulière doit être portée sur l’enfant à naître ou le nouveau-né, il faut raison garder pour l’adulte, d’autant que ce dernier est soumis à de nombreuses interférences comme le stress, l’alimentation, la pilule contraceptive, certains médicaments facteurs connus de perturbation endocriniennes avérés, des compléments alimentaires ou des dispositifs médicaux…

Le défi des PE est donc le suivant : pour protéger 1% de la population, la plus sensible (l’enfant à naître), doit on abaisser la Valeur Toxicologique de Référence et l’imposer aux 99% restants sachant qu’ils y seront vraisemblablement insensibles ou que trop d’autres facteurs complexes, antagonistes ou synergiques, interfèreront ? Il est évident qu’il est plus pertinent de se focaliser sur les populations les plus sensibles (enfants à naître et nourrissons) et les informer.

La méconnaissance et le doute engendre la peur. Parfois l’attitude pourtant prudente de Autorités peut passer pour une attitude attentiste, désinvolte voire hostile à protéger les populations. Or il n’en est rien et la transparence et la prudence (le principe de précaution) sont constamment aux manettes. Aussi ne cédons à l’excès de précaution en réclamant toujours plus d’études mais des études de qualité reproductibles et comparables entre elles. Il y a un énorme gâchis de ressources tant en financement qu’en animaux pour des résultats difficiles à exploiter et inutilement anxiogènes. L’utilisation d’animaux vertébrés mammifères pose de sérieux problèmes éthiques que l’UE a intégré dans l’ensemble de ses réglementations et c’est un réel progrès. Mais n’attendons pas tout de la modélisation mathématique qui a ses limites. Acceptons et apprenons à connaître la complexité du vivant qui fait sa beauté et sa fragilité mais aussi sa capacité d’adaptation et sa robustesse.

La science réglementaire a pris en charge les molécules les plus problématiques, les Etats étudient à l’heure actuelle les molécules les plus suspectées d’être perturbateurs endocriniens que ce soit au niveau européen ou aux USA. Beaucoup sont déjà interdites ou restreintes d’utilisation et de présence en tant qu’impuretés. Il en reste certainement encore mais dans l’ensemble le consommateur européen en 2020 doit s’estimer nettement plus protégé des perturbateurs endocriniens que le consommateur européen des années 1960 à 2000.

 

Parce que un seul (bon) exemple vaut plus qu’un discours…

Bisphenol et Ethynilestradiol (pilule)

Le BPA, impureté indésirable de certains polymères plastiques comme les polycarbonates, tout comme de nombreuses autres substances (polluants, médicaments, substances naturelles).

On sait que le BPA agit in vitro comme modulateur des récepteurs aux estrogènes (ER).

Il peut se fixer selon le type de tissu sur les ER de type A et de type B.

Il est admis que à faible dose il induit un type d’effet en se fixant préférentiellement sur un type de ER puis quand ceux-ci sont saturés, ils se fixent sur l’autre type entrainant un autre effet (libération d’hormone, activation d’une enzyme..) ce qui se traduit par cette fameuse courbe en U obtenue in vitro sur culture de cellules.

Par contre , il n’existe pas de preuve suffisantes d’un effet nocif sur l’axe gonadotrope et le développement chez l’Homme. A ce jour, le BPA n’a jamais démontré de relation de type courbe non monotone (en U) pour les effets sur la reproduction, le comportement, les effets métaboliques et la cancerogénicité. La dose sans effet adverse observée (fertilité chez le rat) à été fixée à 50 mg/kg de poids corporel et par jour.

Cette dose a permis de constuire une Dose Sans Effet chez l’Homme, par voie orale, qui est de 240 microgr/personne/jour. Cette dose est utilisée pour le contact alimentaire par exemple

Comment alors expliquer la différence d’observation sur les cellules et sur l’Homme ?

Avant d’arriver sur un récepteur, le BPA va subir des transformations : une fois ingéré ou introduit dans la circulation sanguine, il passe par le foie où il subit une 1ere transformation enzymatique qui va jouer sur sa biodisponibilité. Généralement les molécules vont être rendues plus polaires, plus hydrophiles. Ainsi le BPA deviendra du BPA hydroxylé ou sulfaté. Or le BPA et le BPA hydroxylé ont une affinité pour les ER 10 000 et 100 000 fois moindre que l’estradiol naturel.

On a démontré que quand on ajoute des microsomes d’enzymes hépatiques dans le milieu cellulaire, il n’y a plus de fixation aux récepteurs.

En résumé, l’impureté BPA, généralement présente à très faible dose, subit donc, lorsqu’elle passe à travers notre corps, une transformation hépatique réduisant jusqu’à 100 000 fois sa capacité de se fixer à un ER avant même d’arriver sur une cellule d’un tissu.

La pilule contraceptive pire que le BPA ?

Une femme adulte jeune produit naturellement entre 0.09 et 3.6 microg/ jour d’estradiol.

La pilule combinée expose une jeune femme à 20 microgr / jour d’une molécule de synthèse, l’éthynilestradiol (5 à 200 fois supérieur à celle de l’estradiol présente naturellement dans son corps) possédant une affinité « turbo » pour le récepteur aux estrogène, alors que le BPA, qui a une capacité de liaison aux ER de 100000 fois moindre, est limité réglementairement à 240 microg/jour.

Dans le premier cas, le perturbateur endocrinien est assimilé à un médicament socialement accepté voire encouragé, dans le second cas, il est diabolisé et malgré l’absence de preuve suffisantes chez l’Homme, par principe de précaution, sa présence en tant qu’impureté est drastiquement limitée, quand il n’est pas interdit (ticket de caisse, biberon) .

ANNETTE LEXA , PhD Toxicologie

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